Apôtre de la charité

« Dieu très haut et glorieux, viens éclairer les ténèbres de mon cœur. Donne-moi, Seigneur, la foi droite, l’espérance solide et la charité parfaite, ainsi que le sens pénétrant et la claire vue nécessaires pour accomplir ta volonté sainte qui ne saurait m’égarer. Amen (1).»

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Sculpture de François d’Assise (Antequera, Italie)

François d’Assise est l’une des figures majeures du christianisme occidental. Serviteur de Dieu et du Christ, il n’a cessé de prôner l’amour, la charité, l’humilité et le renoncement aux biens de ce monde. Il apparaît véritablement comme l’apôtre de la charité, aussi bien dans sa mission terrestre que dans sa mission spirituelle.

François d’Assise naît en 1181 en Italie, à Assise, dans une famille de la grande bourgeoisie. Son père Pierre Bernardone est un marchand de tissu très fortuné. Nous avons peu de détails sur sa vie avant qu’il se consacre à Dieu. Jusqu’à vingt-cinq ans, il mène la vie d’un jeune homme de la bourgeoisie de son époque (jeux, banquets, dépenses somptuaires). Imprégné de l’idéal courtois et chevaleresque, il souhaite devenir chevalier et prend part, avec le soutien paternel, à plusieurs expéditions militaires. Lors de l’une d’entre elles en 1205, il tombe malade et ne peut continuer. C’est alors que selon ses biographes, un rêve le convainc de rebrousser chemin et de se consacrer à Dieu. Que cet événement soit vrai ou non, commence pour François, trois années obscures.

Les étapes intérieures de son parcours spirituel demeurent insaisissables, mais il change progressivement, tout en continuant à mener sa vie d’avant. Lors d’un pèlerinage à Rome, il échange ses habits contre les haillons d’un mendiant et demande l’aumône pendant plusieurs heures sur le parvis de Saint-Pierre. Il offre des aumônes généreuses et assiste les lépreux. En 1206, il vend tous les tissus que son père lui a confiés et remet la somme au prêtre d’une petite église où il a l’habitude de prier (Saint-Damien), ce qui entraine une rupture avec son père et l’abandon de son mode de vie aisé. Il adopte alors la bure de pénitent (2). Dans son Testament, deux éléments paraissent avoir été essentiels dans sa conversion. Tout d’abord, la grâce divine : c’est le Seigneur qui le conduit et lui indique comment vivre. Ensuite, sa rencontre avec les lépreux : « Lorsque j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir les lépreux. Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde. Et, en m’en allant de chez eux, ce qui me semblait amer fut changé pour moi en douceur de l’âme et du corps ; et après cela, je ne restai que peu et je sortis du siècle. »

François d’Assise adopte alors progressivement, avec quelques hommes qui se joignent à lui, l’idéal de pauvreté évangélique et le mode de vie des prédicateurs charismatiques itinérants, fondé sur le modèle des premiers apôtres. Ils prêchent l’évangile dans la pauvreté absolue, n’emportant rien avec eux, mendiant leur nourriture ou travaillant pour l’obtenir. François d’Assise insiste sur l’humilité et la simplicité : « Dieu m’a appelé à marcher dans la voie de l’humilité et m’a montré la voie de la simplicité. » Il exalte la minorité sous toutes ses formes, car les plus petits seront les plus grands et les derniers, les premiers. Partager le dénuement de Jésus et de sa mère est la plus belle des récompenses. Il insiste sur la nécessité de vivre dans l’amour de Dieu, d’aimer toutes les créatures, en particulier celles qui sont en marge de la société. Pour lui, la foi doit se traduire en action. Il soigne les lépreux dans les hôpitaux (il est particulièrement attaché à ce service), il aide les pauvres. Il se présente comme un chevalier de Dieu : « Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité (3)» ; un serviteur du Christ, qu’il désire imiter le plus parfaitement possible.

 

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Statue de François d’Assise entouré d’animaux (parc Grotto, Portland, Oregon)

Vers 1209-1210, il fonde la confrérie des frères mineurs dits Franciscains, qui regroupe ceux qui suivent son mode de vie. Elle constitue une véritable révolution. Contrairement aux autres communautés monastiques, les frères mineurs n’ont pas d’uniforme permettant de les distinguer : leur tunique est celle des humbles travailleurs manuels. Elle ne possède aucun bien. Les vrais pauvres peuvent en faire partie, sans être confinés à un statut de second rang. La fraternité de François d’Assise est sans distinction de classe. Les frères vivent dans la société et se mêlent aux pauvres. Leur but est d’offrir le témoignage d’une vie, inspirée de la vie du Christ tout en vivant parmi les hommes de leur temps.

De son vivant, François d’Assise est rapidement considéré comme un saint, auprès duquel on se presse pour être guéri — car il est réputé pour accomplir des guérisons miraculeuses — ou pour entendre ses sermons inspirés. Son premier biographe, Thomas Celano, raconte qu’il lui est impossible de préparer un sermon : à chaque fois qu’il apprend un discours, c’est un échec, son cerveau est vide (4). Empli de l’amour de Dieu, il enthousiasme les foules : « Il était la flamme ardente qui avivait, sous la cendre, la foi de ses auditeurs (5). » Selon la légende, il parle aux animaux pour qui il a un amour infini.

Sa confrérie est transformée en ordre religieux en 1223, mais la règle de vie adoptée trahit en partie son idéal d’humilité et de simplicité, ce qui déclenche chez lui une grande souffrance morale, car il ne peut se révolter contre l’Église. En 1224, il se retire et abandonne son poste de supérieur de l’ordre. Les dernières années de sa vie sont celles d’un homme accablé par les douleurs morales et physiques : il est malade et presque aveugle. Peu avant sa mort, il reçoit les stigmates, c’est-à-dire les cinq plaies du Christ en croix aux deux mains et pieds, et sur le côté. Il écrit Laudes Dei altissimi, une hymne à l’unique grandeur et bonté de Dieu, seul espoir des hommes. Il meurt à 45 ans, en 1226. Celui qu’on surnommait le Poverello (le « petit pauvre ») a profondément changé le christianisme occidental et reste le personnage religieux le plus influent de ce dernier.

Extrait de MAILLARD J, « François d’Assise, apôtre de la charité », Le lien Fraternel 1, p. 37-39, édité par l’ASITA, [En Ligne]. URL : http://www.asita-asso.fr/mediatheque/revues/

Notes

1 François d’Assise, Prière devant le crucifix de Saint Damien. Toutes les sources citées proviennent de François d’Assise. Ecrits, vies, témoignages, J. Dalarun (dir.), éditions franciscaines-Le Cerf, 2010.

2 La bure est un tissu de laine assez grossier. Cette étoffe sert de base à la confection de vêtements pour les religieux et en particulier pour les frocs des moines.

3 François d’Assise, Cantique du frère soleil.

4 Thomas de Celano, Les Vies de saint François d’Assise. Vie du bienheureux François, Légende de chœur, Légende ombrienne, Mémorial dans le désir de l’âme, Introduction J. Dalarun, traduit du latin par D. Poirel et Jacques Dalarun, éditions Franciscaines-Le Cerf, 2009.

5 CUTHBERT R. P., Vie de Saint François d’Assise, Paris-Gembloux, Librairie Saint-François, 1927.